Le développement du trafic durant des siècles entre la vallée uranaise de la Reuss et le Tessin a contribué de manière essentielle au mythe du Gothard. La construction du pont du Diable sur la Reuss tumultueuse et indomptée dans les gorges des Schöllenen et le franchissement du défilé de Piottino au Tessin ont tracé un trait d’union entre le nord et le sud, symbolisant l’ouverture commerciale à l’Europe. Cela vaut aussi pour l’inauguration prochaine du plus long tunnel ferroviaire du monde, qui constitue également une prouesse technique. Cette liaison rapide remet cependant en question l’exploitation de la ligne de faîte, dont le tracé historique datant de plus de 130 ans – avec son tunnel qui était alors aussi le plus long du monde, ses surprenantes galeries hélicoïdales, ses viaducs audacieux et ses deux centrales électriques – a survécu jusqu’à nos jours. Aucun autre ouvrage ne marque autant la perception que la Suisse a d’elle-même et de ses relations avec l’Europe que cette ligne de montagne.
Depuis la fondation de Patrimoine suisse en 1905, le Gothard a toujours été un sujet d’attention. Il y a quelque 40 ans, les responsables de l’association ont appelé à la création de la fondation «Pro St. Gotthard» et ont rassemblé 1,2 million de francs afin de sauver l’hospice et le site du col. Durant tout le chantier de la NLFA, le géographe et biologiste Martin Furter a accompagné les travaux sur mandat de Patrimoine suisse et de six autres associations de protection de la nature et de l’environnement. L’usage du droit de recours des organisations et un dialogue constructif ont permis, entre autres, de sauvegarder un monument de l’histoire militaire avec le pont métallique du Stüssi-Brücke près d’Erstfeld et une voie historique à Sedrun avec le sentier muletier d’Oberalp.
Par ailleurs, le site de Plauns a pu être préservé grâce à l’installation de logements temporaires dans des conteneurs. Le projet de dépôt dans les gorges de Piottino a été abandonné, ce qui a assuré la préservation des vestiges de la voie historique du Gothard. Enfin, des mesures ont été prises pour assurer la protection du monument qu’est la Villa Negroni de Vezia. Quelle que soit la position que l’on adopte par rapport au mythe du Gothard, la ligne historique et ses ouvrages spectaculaires est un site unique. Elle mérite d’être placée sous la protection du patrimoine mondial de l’UNESCO. La décision de principe ne doit pas attendre 2025, contrairement à ce qu’a écrit le Conseil fédéral dans un rapport en réponse à un postulat du conseiller aux Etats uranais Isidor Baumann.
Patrimoine suisse et l’association Culture industrielle et histoire des techniques Suisse Vintes demandent donc qu’une candidature à l’inscription de la ligne de faîte du Gothard au patrimoine mondial de l’UNESCO soit déposée dès maintenant.
Patrimoine suisse, Adrian Schmid, 044 254 57 00
En collaboration avec l’association Culture industrielle et histoire des techniques Suisse Vintes, Kilian T. Elsasser, président / www.vintes.ch