Fondée en 1905, l’association Patrimoine suisse a marqué de son empreinte l’histoire de la Suisse dans le domaine de la protection du patrimoine et de la nature au cours du siècle dernier. Patrimoine suisse est la plus ancienne organisation nationale consacrée à l’environnement.
L’association Patrimoine suisse a été fondée le 1er juillet 1905 à Berne. Des groupements des cantons de Bâle, Berne et des Grisons, ainsi que des cantons de Vaud et de Zurich ont œuvré activement à sa fondation. Cette alliance s’est constituée dans le contexte du fulgurant développement économique, industriel et touristique de la fin du XIXe siècle et avait pour objectif la protection, au sens large, du patrimoine, des monuments et de la nature. Mais d’emblée, la culture du bâti a figuré au premier rang des préoccupations de la nouvelle organisation. En 1911 déjà, le terme «Baukultur» est mentionné pour la première fois dans la revue de l’association.
Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, l’époque était à l’engagement en faveur du patrimoine, de la nature et de la nation. Dans cet esprit, Patrimoine suisse défendait ses idées non sans un certain pathos et cherchait à sensibiliser de larges couches de la population à sa cause patriotique. Dès les années 1940, l’association s’est employée à établir le principe de protection, qu’elle est parvenue à faire inscrire dans la Constitution. Des efforts qui se sont notamment concrétisés en 1967 dans la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage.
Dès le milieu des année 1970, Patrimoine suisse a négocié un virage en direction de l’écologie, en remettant en cause l’utilisation croissante des ressources non renouvelables et la pression croissante qui s’exerce sur l’environnement. Les objectifs de l’association ont été reformulés et les formes d’action repensées. Avec la nouvelle charte que Patrimoine suisse s’est donnée au tournant du siècle, l’association a pris en compte les changements intervenus dans la société.
Au cours des dernières décennies, l’association a changé de nom. Jusqu’en 1967, elle était connue dans les régions germanophones sous l’appellation «Schweizerische Vereinigung für Heimatschutz», avant d’être rebaptisée en 1968 «Schweizer Heimatschutz». En français, elle a pris successivement quatre noms différents: de 1905 à 1939, elle s’appelait «Ligue pour la conservation de la Suisse pittoresque (Ligue pour la beauté)» et de 1940 à 1971, «Ligue suisse de sauvegarde du patrimoine national». De 1972 à 1999, elle devenait «Ligue suisse du patrimoine national» pour être finalement rebaptisée en 2000 «Patrimoine suisse». En italien, la «Lega svizzera per la salvaguardia del patrimonio nazionale» est devenue en 2000 «Heimatschutz Svizzera» et en 2019 «Patrimonio svizzero». Jusqu’en 2000, «Lia svizzra per la protecziun da la patria» était son nom en romanche, raccourci ensuite en «Protecziun da la patria».
En plus d’un siècle, Patrimoine suisse a mené beaucoup d’actions et obtenu maints succès. Une chronique relate les principaux évènements des 100 premières années de l’association, de 1905 à 2005.
La grande vague d'industrialisation des années 1900 exerce en Suisse une pression croissante sur le plan de la construction et des investissements. La résistance contre les interventions dans le paysage et dans les sites construits se forme. Différents artistes, architectes et indépendants fondent des groupes locaux d'opposition pour lutter contre l'abandon de valeurs culturelles et traditionnelles au nom du progrès et de la technique moderne. Lorsque le Grand Conseil soleurois vote en 1905 la démolition de la «Solothurner Turnschanze», portion d'une ancienne muraille d'enceinte de la ville, les groupes d'opposition s'unissent à l'échelle nationale. Patrimoine suisse est créé à Berne le 1er juillet 1906 dans le cadre d'une assemblée de plus de 100 personnes. Le but de l'association consistera, aux termes des statuts de 1906, à protéger la Suisse dans son identité propre naturelle et historique. Le premier président est Albert Burckhardt-Finsler, de Bâle. Dans le premier comité siège aussi une femme, Marguerite Burnat-Provins (La Tour-de-Peilz). Jusqu'en 1914, le nombre des membres croît à 5938 personnes. 15 sections défendent les causes de l'association.
La première décennie d'activités de protection du patrimoine national est empreinte d'optimisme et de foi en l'efficacité de l'initiative privée. A l'engagement pour le maintien de la Solothurner Turnschanze succèdent d'autres interventions, dont une initiative contre la construction d'un chemin de fer au Cervin, une autre contre la démolition de la Pierre des Marmettes près Monthey ou encore la transformation de la Rathausgasse à Aarau. Les recours les plus nombreux portent sur les nouveaux projets de funiculaires dans les Alpes et certains tracés de lignes de chemin de fer. Le concept de patrimoine national, l'idée qu'il convient de le protéger, sont diffusés par la revue Heimatschutz/Patrimoine qui, au début, paraîtra 6 fois par an, plus tard chaque trimestre. Patrimoine suisse se fait connaître du public par la publication de concours d'idées, préconisant par exemple la construction de maisons d'habitation simples à Zurich, et par des recommandations sur la limitation légale des réclames placardées en rue. L'auberge «Zum Röseligarten» de l'Exposition nationale de 1914 à Genève, dessinée par l'architecte Karl Indermühle, devient l'emblème de Patrimoine suisse et le symbole d'une évolution exemplaire de l'architecture en Suisse.
L'atmosphère de grande envolée de la première décennie sera troublée par de premières divergences internes importantes à partir de 1915 au sujet des stratégies et lignes directrices de l'association. Le rapport entre le Comité et les sections se tend. Beaucoup revendiquent une plus stricte coordination des différentes activités, mais les ressources financières qui seraient nécessaires pour aménager un secrétariat font défaut. La crise interne se renforce suite à la réduction massive des subventions fédérales de 1915. Patrimoine suisse n'en décide pas moins la création d'une coopérative de vente qui se vouera à la promotion de l'art folklorique et à la vente de souvenirs de voyage «vraiment helvétiques». Dès le début de la Première guerre mondiale, le nombre des membres diminue fortement. Mais il remontera de 2000 à 6931 personnes entre 1918 et 1924.
Des divergences de vues ne se manifestent pas seulement sur la position de l'association face aux nouveaux courants architecturaux, mais également à propos de l'exploitation de l'énergie hydraulique. L'intégration de quais et promenades en bordure des lacs dans les plans d'aménagement urbain, que le Comité approuve, suscite la critique de différents membres. La controverse enfle et se fait publique, engendrant des prises de position négatives sur les activités de l'association. De sorte que Patrimoine suisse se retire progressivement des débats publics touchant l'architecture. Ses membres sont également divisés sur les projets d'usines électriques au bord du lac de Sils et dans l'Urserental. Alors que les opposants protestent contre la destruction du paysage, les partisans défendent la rentabilité économique des projets. Patrimoine suisse milite unanimement contre des lignes aériennes à haute tension. Il intervient avec succès à différentes reprises contre des tracés de ligne qui aurait compromis le paysage. En collaboration avec des architectes et spécialistes des entreprises et de la politique, il formule des contre-propositions, adressant une première motion à ce sujet au Conseil fédéral en 1920 déjà.
Patrimoine suisse cède plusieurs de ses domaines d'activité marginaux à des organisations à buts apparentés, et concentre ses efforts sur la sauvegarde de la substance architecturale historique en régions rurales et urbaines. La commission des costumes et chants folkloriques se sépare de Patrimoine suisse en 1926 et devient indépendante sous le nom de Fédération nationale des costumes suisse La coopérative de vente est dissoute en 1929. Le Schweizer Heimatwerk reprend cette tâche à partir de 1930. Sur le plan financier aussi, l’organisation repose sur de nouvelles bases. Le produit du Don suisse de la fête nationale de 1933 revient entièrement à Patrimoine suisse et à la Ligue suisse pour la protection de la nature (LSPN, aujourd’hui Pro Natura). Patrimoine suisse consacre la somme reçue à l'organisation d'un secrétariat. Ernst Laur, fils du secrétaire de l'Union Suisse des Paysans Laur et directeur du Heimatwerk et de la Fédération nationale des costumes suisses, devient en 1934 le premier secrétaire général de Patrimoine suisse, date jusqu'à laquelle le nombre de membres n'avait augmenté que faiblement à 5971 personnes.
Les conflits internes sur les stratégies et lignes directrices de l'association s'atténuent au cours de la troisième décennie, par contre d'importantes tensions surgissent dans les rapports avec le Werkbund (l’Œuvre). Patrimoine suisse se déclare catégoriquement opposé à la «Neue Sachlichkeit» («la Nouvelle Objectivité») en architecture et entre de ce fait en collision avec l'aile d'orientation fonctionnaliste du Werkbund. Après de violentes altercations, les rapports s'améliorent vers la fin des années 1920. Patrimoine suisse reconnaît, notamment sous l'effet de pressions internes, certains nouveaux styles architecturaux respectueux des formes historiques. Le Werkbund décide de promouvoir, non plus seulement le mouvement de la «Neue Sachlichkeit», mais également les anciens artisanats. En 1930, Patrimoine suisse forme avec des organisations à buts apparentés le Forum Helveticum, une organisation faîtière des grandes associations culturelles nationales. En collaboration avec la LSPN, Patrimoine suisse prépare au début des années 1930 des propositions pour une législation fédérale de protection de la nature et du patrimoine national. Un projet qui échoue, car le Conseil fédéral repousse sa demande en 1935.
Le fait d'entretenir un secrétariat permet à Patrimoine suisse de collaborer plus étroitement avec les autorités. En 1936, au lendemain du rejet d'une loi sur la protection de la nature et du patrimoine, le Conseil fédéral constitue une commission fédérale de protection de la nature et du patrimoine national au sein de laquelle sera notamment représenté Patrimoine suisse. Au sein du Forum Helveticum, Patrimoine suisse soutient un projet de fondation d'une communauté de travail appelée Pro Helvetia qui, à partir de 1939, soutiendra financièrement les efforts de Patrimoine suisse. Vers la fin de la Deuxième guerre mondiale, Patrimoine suisse reçoit mandat de la Confédération de planifier la remise en état de maisons dans différentes régions du pays dans le cadre d'un programme d'occupation de chômeurs. Le chef du service de planification en sera Max Kopp, membre de Patrimoine suisse. Les activités de relations publiques de Patrimoine suisse vont être élargies et enrichies de conférences avec diapositives, un travail de presse ciblé et une collaboration avec la direction des programmes de Radio Beromünster. Après un massif recul à la fin des années 1930, les effectifs remontent à 5839 membres en 1944.
Durant cette phase de «défense nationale spirituelle», les activités de Patrimoine suisse se concentrent notamment sur la sauvegarde des fermes agricoles et des maisons bourgeoises, ainsi que des bâtiments sacrés. La préférence donnée aux formes d'architecture plus populaires suscite fondamentalement l'approbation, le Heimatstil étant toutefois ressenti comme une manifestation de «faux romantisme». L'Exposition nationale de 1939 traite le thème de Patrimoine suisse à la «Höhenstrasse». Durant la Deuxième guerre mondiale, Patrimoine suisse limite fortement ses interventions. Il n'élève par principe aucune protestation contre des installations militaires, se contentant de critiquer des corrections de ruisseaux et rivières réalisées sans tenir compte des formes paysagères ni de la flore et de la faune. Patrimoine suisse ne s'oppose par ailleurs que rarement à des projets d'usines hydroélectriques, ces dernières étant considérées comme nécessaires à l'approvisionnement du pays en énergie. Dans le cas des projets d'usines dans la vallée grisonne «Rheinwald» et à Rheinau, Patrimoine suisse maintient toutefois sa position de rejet des années d'avant-guerre.
Avec l'Écu d'or, Patrimoine suisse se dote dans les premières années après-guerre d'une nouvelle source de revenus pour financer son activité et se livrer à un nouveau type de relations publiques. En collaboration avec la LSPN, Patrimoine suisse procède pour la première fois en1946 à la vente d'Écus d'or en chocolat, dont le produit est destiné la première fois à la protection du lac de Sils. Cette vente de chocolat à laquelle participent les élèves des écoles de toute la Suisse sera réitérée à plusieurs reprises les années suivantes. Les écus emballés dans de la feuille alu dorée deviendront avec les années le symbole de la protection de la nature et du patrimoine national. C'est également en 1946 que la Confédération transforme le service de planification en un service technique permanent de Patrimoine suisse. Le nombre de membres croît massivement, pour atteindre le score de 8602 en 1954.
Le service technique, dirigé par Max Kopp, se concentre notamment sur les bâtiments et groupes de bâtiments isolés en zone rurale. Max Kopp élabore des propositions de restauration ou de transformation dans le cadre de différents projets illustrés sur les Écus d'or successifs. L'objet le plus connu de ce temps-là sera le réaménagement du Rigi-Kulm. Les deux hôtels historiques du sommet du Rigi, datant de la seconde moitié de XIXème siècle, seront démolis en 1951 et remplacés par un long bâtiment de quatre étages signé Max Kopp. La «reconstruction» du Rigi-Kulm est mise largement en scène dans le cadre de la campagne de l'Écu d'or 1951. La collaboration avec la LSPN ne va toutefois pas sans heurts. Fin 1940, la LSPN fait opposition au projet d'usine hydroélectrique au Spöl dans le Parc national suisse. Patrimoine suisse par contre approuve le projet avec quelques réserves. Les derniers plans pour un projet d'usine à Rheinau sont toutefois désapprouvés par Patrimoine suisse au début des années 1950, mais à la différence de la LSPN, il ne participe pas activement à la résistance. Les divergences avec la LSPN persisteront jusqu'au milieu des années 1950 et plus.
La collaboration avec les autorités entretenue depuis les années 1930 porte ses fruits. Patrimoine suisse participe à l'élaboration d'un article constitutionnel sur la protection de la nature et du patrimoine, que le peuple accepte à une grande majorité en 1962. En 1955 se constitue, à l'initiative de Patrimoine suisse, de la Ligue suisse pour la protection de la nature et du Club Alpin Suisse, la commission de l'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP). Une deuxième commission est instituée en 1963 sous la conduite de Patrimoine suisse, et chargée de dresser un Inventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS). A partir de 1959, pour la première fois depuis la fondation de l'association, une femme, l'architecte Annemarie Hubacher-Constam, siège à nouveau au sein du Comité. Jusqu'en 1964, le nombre des membres croît à 10'119 personnes. Patrimoine suisse est représenté par des sections dans tous les cantons de Suisse.
C'est avec inquiétude que Patrimoine suisse observe la rapide propagation de l'utilisation des terrains à des fins d'habitation et d'exploitation économique. Il décide de se pencher plus systématiquement sur les questions d'aménagement. Les immeubles très élevés sont, eux surtout, ressentis comme une menace pour les paysages. Par contre, Patrimoine suisse soutient la construction de routes nationales, se contentant de réclamer des tracés de route harmonieux. Bien que son credo lui dicte de revendiquer le maintien sur place du patrimoine rural traditionnel, il se prononce malgré tout pour la création d'un musée de plein air destiné à récupérer les fermes suisses de valeur mais désaffectées. A la fin des années 1950, la Ligue suisse pour la protection de la nature rejoint la ligne modérée de Patrimoine suisse. L'un et l'autre soutiennent le projet de médiation du Conseil fédéral concernant le projet d'usine hydroélectrique au Spöl, que le peuple suisse accepte en référendum en 1958. Un cercle plus radical de protectrices et de protecteurs de la nature prend ses distances par rapport à cette attitude de compris des deux associations, et fonde en 1960 le «Rheinaubund» (Communauté suisse de travail pour la nature et le patrimoine national). Cette association mise sur son indépendance financière et politique par rapport aux autorités et organisations économiques, et mène, contrairement à Patrimoine suisse et à la LSPN, des formes d'action non conventionnelles dans l'opposition extraparlementaire.
Pour Patrimoine suisse débute une phase de bouleversement fortement marquée par un changement de personnel. Ernst Laur se retire en 1965 de sa charge de directeur de Patrimoine suisse après 32 ans, Max Kopp en 1968 de ses fonctions de conseiller technique après 24 ans au service de Patrimoine suisse. Leurs charges seront réparties entre un plus grand nombre de personnes. Les compétences de l'assemblée générale, jusqu'alors organe suprême de Patrimoine suisse, sont reportées en 1967 sur la nouvelle assemblée des délégués en raison du nombre croissant des membres. La direction proprement dite revient désormais à un Bureau du Comité central assisté par le Secrétariat. Ces changements entraînent d'importants débats internes sur les objectifs et lignes directrices de l'association. Plusieurs nouveaux collaborateurs du Secrétariat renoncent au bout de peu de temps à leurs activités. Le nombre de membres double presque jusqu'en 1974, atteignant 18'553 personnes.
A l'entrée en vigueur, en 1967, de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, Patrimoine suisse se voit doté d'un nouvel instrument d'influence politique: le droit de recours des associations. Patrimoine suisse s'oriente plus fortement que jusqu'à présent sur la protection des sites et du paysage. Il inscrit désormais l'aménagement des agglomérations et du trafic dans ses nouvelles priorités. Les lignes directrices de l'association sont définies sur la base des statuts de 1967: elle se voue à la promotion d'une évolution harmonieuse des sites et paysages au-delà de la simple sauvegarde de l'existant. Une prétention qui sera notamment satisfaite à l'aide du Prix Wakker, récompense attribuée depuis 1972 à des communes qui ont le mérite d'avoir préservé le caractère de leur site de manière exemplaire sans renoncer pour autant à l'introduction de nouveaux éléments architecturaux. L'activité de Patrimoine suisse s'oriente désormais plus fortement vers les groupes de bâtiments et la protection de l'ensemble d'un site plutôt que vers la rénovation de bâtiments individuels. Pour l'évaluation des projets, Patrimoine suisse met également à contribution des experts externes du domaine de l'architecture, de l'aménagement et du droit.
Durant la seconde moitié des années 1970, après de nouvelles controverses internes concernant les objectifs et les lignes directrices, Patrimoine suisse procède à un examen fondamental de sa situation et de son orientation, sur des questions de teneur, mais aussi, dans une mesure croissante aussi, sous la pression des tâches de coordination incombant au secrétariat, qui ne peuvent être maîtrisées que partiellement. La politique de subventions de Patrimoine suisse, fondée sur le principe de l'arrosoir – petites contributions aux projets les plus divers – est également remise en question au sein de l'association. Le débat porte aussi sur la question de savoir dans quelle mesure Patrimoine suisse peut se permettre de sympathiser avec certains groupes politiques. Patrimoine suisse confie à différentes commissions le soin de prendre ses activités sous la loupe et réélit le Bureau en 1976. La présidence va pour la première fois à une femme, Rose-Claire Schüle. En 1978, lors d'un séminaire à huis clos, Patrimoine suisse formule les Thèses de Genève, censées lui donner une nouvelle orientation. Les effectifs de membres continuent de croître jusqu'en 1984, plus aussi rapidement il est vrai que durant la décennie précédente.
Les Thèses de Genève de 1978 invitent Patrimoine suisse à réfléchir globalement en termes d'environnement et à s'orienter plus fortement vers les problèmes relatifs au présent et à l'avenir. Patrimoine suisse se détournera d'une protection de la patrie purement de réaction et de protestation pour développer une stratégie d'action créatrice et dynamique, et promouvoir l'initiative privée. Lors de la révision totale des statuts de 1979, les Thèses de Genève sont reprises en grande partie. Les activités de relations publiques des années suivantes sont élargies et s'enrichissent d'un service de presse, d'une propre série de publications ainsi que de campagnes d'information et de sensibilisation. Création en 1984 du Prix Heimatschutz, pour soutenir les actions de personnes individuelles ou d'organisations en vue de sauvegarder des biotopes menacés et améliorer la qualité de la vie. Sur le plan législatif, Patrimoine suisse a moins de succès. Les lois fédérales sur l'aménagement et la protection de l'environnement sont modifiées si fondamentalement durant les années 1970 que l'association ne soutient ces projets qu'avec beaucoup de réserve.
La stratégie requise d'action créatrice et dynamique se manifeste de plus en plus rarement durant les années 1980 et au début des années1990. Les activités principales sont à nouveau caractérisées par la réaction et la protestation, Patrimoine suisse n'apparaît dans les débats publics qu'à la lumière de recours et d'oppositions. Les subventions sont réparties comme par le passé sur différents petits projets. L'absence de dynamique dans le domaine de la formation et des relations publiques se répercute sur les effectifs de membres, qui diminuent. Alors qu'ils avaient atteint un record de 24'663 personnes en 1985, ils reculent de 4700 membres jusqu'en 1994, ce que Patrimoine suisse interprète avant tout comme la conséquence de son incapacité passée à recruter de nouveaux jeunes membres.
Patrimoine suisse cherche notamment à renforcer son influence en politique fédérale et prend position sur les révisions de loi dans le cadre de la législation sur la nature et le patrimoine national, la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire. Au début des années 1990, un groupe de travail de Patrimoine suisse élabore des lignes directrices claires concernant les expertises et une doctrine de mise en œuvre des moyens juridiques dans le domaine du droit de recours. Dans le même temps, Patrimoine suisse, renonçant à sa politique des transports très réservée, adopte une politique plus offensive et se rallie sur différentes questions aux thèses des organisations écologistes WWF Suisse, LSPN, Société pour la Protection de l'Environnement (SPE, aujourd’hui Equiterre) et Association Transports et Environnement (ATE). Une évolution se dessine aussi dans la pratique d'octroi du Prix Wakker. En 1989, le Prix va à la Ville de Winterthour, dont le site doit son caractère pour l'essentiel à l'industrialisation du XIXème siècle. En 1990, Patrimoine suisse récompense les efforts que la Ville de Montreux a déployés pour sauvegarder son patrimoine touristique du XIXème siècle. En 1993, c'est le tour de la commune de Monte Carasso près Bellinzona d'être mise à l'honneur pour la qualité de l'aménagement de son site dispersé. Patrimoine suisse se tourne ainsi explicitement vers l'architecture des XIXème et XXème siècles, et désigne la sauvegarde des formes d'aménagement urbain et semi-urbain comme nouvelle priorité de ses activités de protection du patrimoine national.
Patrimoine suisse vise à se doter d'une présentation plus efficace face à l'opinion publique, et définit le développement de ses activités d'information et de relations publiques comme une préoccupation prioritaire. L'offensive requise en matière de formation ne peut pas être concrétisée au rythme espéré. Par contre, depuis l'an 2000, la présentation et l'image de Patrimoine suisse a bénéficié d'un renouvellement de fond en comble. La même année encore, le nom de l'association a été harmonisé dans les quatre langues. Le nouveau logo a été repris en 2004 par un grand nombre de sections. Par la publication de la série «Découvrir le Patrimoine», une série de visites guidées, Patrimoine suisse attise l'intérêt de vastes milieux de la population pour la culture architecturale de notre pays. Une Liste rouge informe dans l'Internet sur les bâtiments de valeur, architecturale ou historique, menacés de délabrement, en vue de faciliter la rencontre de l'offre et de la demande et de leur donner une nouvelle chance. Par l'octroi de subventions à des projets, Patrimoine suisse renonce à son ancien principe de l'arrosoir, qui consistait à donner un peu à tous. Il se prononce en faveur de l'octroi de contributions financières plus élevées à un petit nombre de projets importants, s'associant activement à leur aménagement. Le secrétariat se développe. Il est doté dès 2004 de sept collaboratrices et collaborateurs. Le recul des effectifs de membres est freiné, Patrimoine suisse compte 16'026 membres en 2003.
L'activité de Patrimoine suisse de cette dernière décennie est caractérisée par la lutte contre le démontage observable en politique de protection de la nature et du patrimoine national. Patrimoine suisse joint ses forces à celles des associations dotées du droit de recours à l'échelle nationale pour développer une stratégie commune en vue d'assurer à long terme ce droit de recours que les milieux bourgeois combattent depuis les années 1990. Il se défend également contre le démontage et l'affaiblissement de la protection des monuments historiques dans le cadre de la nouvelle péréquation financière, et collabore activement à la révision de la loi sur l'aménagement du territoire. Les préparatifs de deux grands projets de Patrimoine suisse prendront fin en 2004: le projet d'une Maison du patrimoine et le projet Vacances au cœur du patrimoine. Leur concrétisation sera entamée au début de la prochaine décennie, la 11ème de Patrimoine suisse.
Chronique de Patrimoine suisse, 1905–2005
(en allemand avec un résumé en français) à télécharger
Depuis sa création en 1905, Patrimoine suisse publie plusieurs fois par an sa revue en allemand et en français. Patrimoine suisse donne accès à cette collection importante sur E-Periodica et enrichit ainsi la «Mémoire du bâti en Suisse online» d’une précieuse voix dans le concert des revues consacrées à l’architecture et à la construction dans ce pays.
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Heimatschutz/Patrimoine
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