Sur la base d'exemples issus de la région lausannoise, Bruno Marchand, professeur au Laboratoire de théorie et d'histoire de l'architecture de l'EPFL, a montré que la réalisation des premières autoroutes s'est accompagnée, en Suisse, d'un véritable changement de paradigme dans le domaine de l'aménagement du territoire. L'ère de l'automobile a induit une transformation profonde des manières de percevoir et de traiter le paysage, le milieu bâti et les villes. Bruno Reichlin, professeur honoraire de l'Université de Genève, a lui aussi insisté sur le rapport fondamental mais souvent négligé entre architecture et paysage, tel qu'il se manifeste par exemple dans l'œuvre de Le Corbusier. Des interventions bien intentionnées mais inconsidérées ont détruit l'essence de bien des chefs-d'œuvre, alors même que ceux-ci avaient été abondamment publiés et jouissaient d'une reconnaissance universelle. Selon Reichlin, une appréciation et un traitement adéquats du patrimoine récent requièrent une approche globale et fondée qui fait encore souvent défaut. Aussi l'orateur a-t-il instamment plaidé pour que toute intervention soit précédée d'une étude approfondie de l'histoire de la création et de la réception des œuvres.
Quant à Jürg Conzett, associé du bureau d'ingénieurs Conzett Bronzini Gartmann, il a mis en lumière un autre changement de paradigme, cette fois dans la construction de ponts. Si de grands ingénieurs comme Ernst et Albert Schmidt, Christian Menn et Emil Schubiger aspiraient à une élégance issue de la logique et de l'économie de la construction, le milieu des années 1980 a vu émerger la figure de l'ingénieur artiste, avec laquelle s'est perdue l'unité entre forme et technique.
Depuis 2000, les CFF disposent d'un Service de conservation du patrimoine à vocation consultative qui représente, comme l'a expliqué son responsable Hans Ulrich Baumgartner, un cas unique en Suisse. Le parc immobilier des CFF – l'un des plus importants du pays – comporte de nombreux ouvrages remarquables des années 1960 à 1980, qui requièrent aujourd'hui une attention particulière.
Ainsi que l'a relevé Isabel Haupt, conservatrice adjointe du canton d'Argovie, la valeur et l'importance accordées à un ouvrage construit sont des appréciations sociales. Or, les initiatives citoyennes peuvent contribuer de façon décisive à ce que la conservation d'un bâtiment soit reconnue d'intérêt public. Si les professionnels sont appelés à se mobiliser pour faire admettre que tel ou tel objet mérite d'être protégé, c'est aussi le cas du public intéressé. Dans ce contexte, Adrian Schmid, secrétaire général de Patrimoine suisse, a salué l'appel lancé par les associations d'architectes pour empêcher la démolition de la Bibliothèque centrale et universitaire de Lucerne.
Pour l'historien de l'architecture Michael Hanak, le bâtiment des architectes Funk et Fuhrimann, achevé en 1973, représente un spécimen emblématique de brutalisme, et l'un des plus importants complexes scolaires du modernisme d'après-guerre en Suisse. Les visites guidées en ont mis en évidence les caractéristiques constructives. Comme l'ont expliqué les représentant-e-s des services cantonaux des bâtiments et des monuments historiques, la rénovation prévue constitue une entreprise complexe, qui prête d'ailleurs matière à controverse. Le colloque s'est conclu par les interventions engagées de plusieurs participants, qui ont insisté sur l'extrême attention et sensibilité que demanderont les futurs travaux.
Patrimoine suisse, Françoise Krattinger, Tél. 044 254 57 00
En novembre 2013 est parue la dernière publication de notre populaire collection: Les plus beaux bâtiments 1960–75. D'Otterlo à la crise pétrolière. Découvrez 50 joyaux de l'architecture suisse des années 1960 à 1975!
Pour en savoir plus Encore plus d’informations sur le patrimoine bâti 1960–1975 sur Internet: Sur notre site vous attendent 100 réalisations remarquables des années 1960 et 1970, ainsi que de nombreuses informations sur le contexte de l’époque:
www.patrimoinesuisse.ch/1960-75